L’intervention a été articulée autour des questions des étudiants ainsi que des articles parus dans Ouest France au sujet du métier de traducteur. Par exemple, j’ai fait référence à un article publié dans Ouest France (6 novembre 1999) qui décrit le cursus d’une traductrice technique recemment installé dans la région.
Voici la question qui servait comme point de départ pour la
discussion :
le métier de traducteur indépendant permet-t-il de vivre
?
Le métier est incertain… à cause de plusieurs facteurs :
Il n’y a pas reconnaissance officielle de notre activité économique (par exemple, le code APE 748 F est partagé avec des secrétaires). Malheureusement, le projet de loi est très lent à élaborer (désolidarisation entre traducteurs, pression des gestionnaires et agences). Il est difficile de sensibiliser les politiciens sur le statut de traducteurs (voir francophonie, protection de la langue française, multilinguisme). En effet, il s’agit de protéger des traducteurs contre les pires abus du système actuel. A mon sens, le traducteur doit s’engager à exercer l’activité définie dans son code APE au moment de s’inscrire à l’URSSAF. En contrepartie, le gouvernement doit accorder un statut, mais n’a rien à dire sur la qualité de la prestation ou la compétence du professionnel concerné. Ces aspects-là peuvent être décidés par le marché et/ou une « chambre » nationale de la profession.
Mais comment valoriser notre profession autrement ?
Gagner le respect des donneurs d’ouvrages.
Question : Comment le traducteur indépendant peut-il se défendre contre ces incertitudes et pressions ?
Il faut surtout développer ses connaissances en comptabilité
et administration.
De plus en plus, les agences habilitées par la norme ISO 9000
vont organiser le marché de traduction, en appliquant des critères
d’efficacité (procédures, sélection des ressources
humaines). Ce sont essentiellement des critères de gestionnaire
qui n’ont rien à voir avec les relations établies entre un
client et son traducteur. Faute d’avoir un vrai statut, les compétences
des traducteurs seront mesurées par ces critères, mais très
peu de traducteurs indépendants peuvent se plier à la norme
ISO 9000 seulement pour impressionner une clientèle potentielle.
Pour survivre à l’avenir, le traducteur professionnel devra :
Malheureusement, il y a toujours beaucoup de personnes mal éduquées qui commencent leur appel téléphonique avec la question « Quel est votre tarif ? ». A cela, il faut seulement répondre « Qui est à l’appareil ? ». Si l’approche au téléphone vous semble douteuse, ou si vous n’êtes pas entièrement satisfait avec les réponses de votre interlocuteur, n’hestitez pas à consulter des sources d’information sur les entreprises (INFOGREFFE ou VERIF sur Minitel). Paradoxalement, dans certain cas, vous pouvez gagner en disant « non ». A mon avis, il vaut mieux refuser de travailler pour des clients qui manquent le respect pour le traducteur – ils risquent d’être des mauvais payeurs qui n’estiment pas la qualité de votre prestation.
Question : comment juger le bien-fondé d’un client potentiel et éviter des impayés ?
C’est très difficile de savoir si quelqu’un est capable de payer dans les délais convenus ou même s’il y a un risque de faillite. Pour connaître la réputation d’une agence ou entreprise, vous pouvez toujours vous adresser soit aux autres traducteurs, soit directement à la SFT. Dans mon cas personnel, j’ai saisi le conseil de Prud’hommes pour pouvoir récupérer des salaires impayés par une agence à Rennes. Par la suite, je me suis mis sur mon compte comme profession libérale, et maintenant je fais attention !
Question : comment devenir un traducteur d’édition ?
Cela dépend de votre choix de spécialité.
Dans mon cas, mes connaissances scientifiques me permettent de proposer mes services aux auteurs dans certains domaines hautement techniques. Mon atout est de travailler en France avec l’anglais comme cible, tout en restant dans le même pays que les auteurs francophones.
Dans un premier temps, il faut entrer en contact direct avec l’auteur (même s’il habite à l’étranger). Selon le type de contrat, il y aura une négociation avec la maison d’édition et, éventuellement, avec l’employeur de l’auteur. C’est vraiment trop dur de négocier avec une maison d’édition sans être recommandé par l’auteur.
Pour dissiper vos illusions, je dois signaler que la traduction littéraire ne représente qu’une partie infime du marché, largement réservée aux professeurs des facultés ou autres spécialistes qui ne sont pas des traducteurs de métier.
Question : Qu’est-ce que c’est la terminologie, et est-ce qu’il y aura des débouchés grâce à cette formation ?
La terminologie, c’est une discipline scientifique qui sert à organiser des connaissances sur un support documentaire. Bien sûr, tout cela apporte une aide aux traducteurs qui cherchent une information précise pour pouvoir comprendre et traduire un texte. De la même manière qu’avec la traduction, vous ne gagnerez pas votre vie seulement avec la terminologie comme activité.
Question : Quelles langues faut-il choisir pour son activité de traducteur ?
En effet, l’option ne se présente pas, car il s’agit plutôt de mettre en valeur vos connaissances réelles.
Votre langue maternelle sera votre cible, avec une autre langue comme source, qui doit être étudiée en profondeur, de préférence lors des stages dans un pays étranger (dans le cas des traducteurs francophones). Certaines personnes ont des connaissances linguistiques grâce à leur héritage culturel multilingue (immigrés, habitants des régions frontalières, etc.), mais la plupart des traducteurs doivent se limiter à une seule langue source pour garder leur crédibilité devant la clientèle. Il vaut mieux maîtriser une seule langue étrangère à fond plutôt que de devenir superficiel ou médiocre dans plusieurs langues. Très peu de soi-disant bilingues sont vraiment capables de rédiger avec la même qualité professionnelle dans les deux langues.
Si vous aimez votre langue maternelle, elle va vous donner des atouts, c’est-à-dire une aptitude à la rédaction peut augmenter votre efficacité de communication et votre capacité de travail.
Question : Quel module de spécialité faut-il choisir pour étayer mon cursus ?
D’abord, il faut préconiser des connaissances en économie et comptabilité plutôt qu’une troisième langue. Il est important d’effectuer des stages pertinents dans la spécialité de votre choix, de préférence à l’étranger (ou des sociétés multinationales ont établi leurs centres de ressources). Comme la jeune traductrice technique citée dans Ouest France, vos chances de réussir dans ce métier dépendent de votre choix stratégique de stage.
Question : Quelles qualités sont nécessaires pour devenir traducteur ?
En résumé : une grande ténacité, la capacité d’organiser son propre travail, un bon niveau de rédaction dans sa langue maternelle, des connaissance approfondies de la langue source et au moins un domaine technique (acquis pendant un stage pertinent à l’étranger). Il faut aussi une maîtrise des outils (informatique, TAO, terminologie, Internet) et l’expérience du travail rédactionnel dans un domaine de spécialité. Enfin, le traducteur indépendant doit savoir gérer ses affaires et faire sa propre comptabilité (estimation de devis, définition des cahiers de charges, facturation).
Règles d’or
1. Ne faîtes pas le travail des autres (par exemple, laissez le
travail de spécialiste aux spécialistes).
2. Refusez de travailler au marché noir.
3. Ne traduisez que vers votre langue maternelle.
4. N’acceptez pas de réviser des textes rédigés
dans une langue autre que la vôtre, même si le professeur vous
demande de le faire.
5. Respectez les délais demandés par vos clients.
6. Confidentialité. N’utilisez pas vos connaissances d’un dossier
pour faire profiter un tiers.
7. Loyauté et solidarité entre traducteurs. Il ne faut
pas les critiquer devant les autres.
8. Discutez vos rémunérations avec grande discrétion,
éventuellement dans le contexte d’une négociation commerciale.
D’ailleurs, il est interdit de fixer un tarif, même si – comme traducteur
indépendant – vous n’avez pas de statut légal !
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